Introduction : pourquoi faire lire son manuscrit en bêta-lecture ?
En tant qu’autrice ou auteur, vous avez passé un nombre incalculable d’heures à vous documenter sur un sujet ; à penser à votre livre en imaginant les personnages, l’intrigue, les rebondissements ; puis à l’écrire, et peut-être aussi à effacer des paragraphes entiers (quand ce n’était pas carrément le chapitre 👀) en vous disant que ce n’était vraiment pas votre jour, mais que demain, ça irait mieux (et vous aviez raison !)
Malgré les montagnes russes émotionnelles, vous êtes arrivé.e au bout : l’écriture du premier jet de votre manuscrit est enfin terminée, hourra ! Faites une pause pour apprécier cet instant à sa juste valeur 😉 C’est fait ? Maintenant, il est temps de vous pencher sur la suite : faire lire votre manuscrit pour la première fois, c’est-à-dire le proposer en bêta-lecture.
Faire lire son manuscrit pour la première fois en bêta-lecture est un moment très important pour les autrices et les auteurs, et c’est une étape déterminante dans la vie d’un livre. On ne compte plus les manuscrits remisés au fin fond d’un tiroir après une première lecture chaotique ni le nombre d’auteurs toujours planqués au fond de leur lit (on vous a vus, ça fait une bosse 😅).
Qu’est-ce qu’une bêta-lecture ?
Une bêta-lecture, comme vous l’aurez probablement compris, c’est tout simplement la première lecture d’un manuscrit, réalisée par des « bêta-lecteurs » et des « bêta-lectrices », c’est-à-dire des personnes qui n’ont jamais rien lu en lien avec ce manuscrit.
Cette bêta-lecture a pour but d’aider l’auteur à se mettre dans la peau du lecteur qui découvre le texte pour la première fois, et lui permettre d’améliorer son manuscrit grâce à des retours de lecture argumentés et constructifs. Cette prise de recul est nécessaire à l’auteur pour pouvoir retravailler son texte. Car comme on le dit : toute critique est bonne à prendre dès lors qu’elle est constructive.
Est-il obligatoire de faire une bêta-lecture ?
À cette question, je répondrais par une autre question : est-il obligatoire pour un cuisinier de goûter un plat avant de le servir ?
En soi, non. Mais il y a de grandes chances pour que le plat manque de saveurs… Il en va de même pour votre manuscrit !
Pourquoi est-ce que la bêta-lecture fait si peur aux autrices et aux auteurs ? Florilège des raisons les plus courantes
La peur de la critique
Que vous soyez très susceptible ou juste un tout petit peu (oh, presque rien, voyons 😁), lorsqu’on passe des mois voire des années à travailler sur un manuscrit, il va sans dire que la moindre critique venue de l’extérieur peut avoir un peu de mal à passer. Par contre, l’autocritique passe toujours très bien. Pourtant, critiquer son propre travail est en général 3564 fois plus violent qu’un avis émis par une tierce personne, et on s’inflige souvent bien plus de mal que ne l’aurait fait cet autre dont on pense ne pas pouvoir supporter le moindre mot. Ainsi sommes-nous faits.
La peur du ridicule ou comment se cacher derrière « ceci est une œuvre de fiction… »
Malgré le dicton populaire selon lequel « le ridicule ne tue pas » (que j’ai failli confondre avec « ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts » #ridicule), nous sommes quand même une majorité d’êtres humains à craindre d’être foudroyés de honte en cas de situation embarrassante, celle dans laquelle on se dévoilerait un peu trop, au risque de… ne pas plaire ? Et faire lire son manuscrit, n’est-ce pas le summum de la vulnérabilité ?
La bonne nouvelle, c’est qu’en tant qu’autrice ou auteur, vous pouvez allègrement vous planquer derrière vos personnages (c’est lui qui l’a dit ! 👉😨) et agiter frénétiquement la mention « ceci est une œuvre de fiction… ».
Bon, personne n’est dupe… et alors ?
La peur de perdre le contrôle et de devoir s’expliquer
C’est bien connu, les auteurs font dire ce qu’ils veulent à leurs personnages (cf. ci-dessus), même si en vrai, les personnages ont aussi leur propre voix (🤫). Seulement voilà : vous avez planté votre décor, brossé les portraits de vos personnages, mis en place votre intrigue, contrôlé jusqu’à chaque virgule et… les lecteurs n’ont pas eu la même interprétation que vous de l’histoire. Pire : ils ont apprécié votre texte, mais pas pour les « bonnes » raisons.
Que faire alors ? Prévoir une explication de texte de 10 000 signes à joindre en annexe du livre ? 😅 Bien sûr que non, il faut… apprendre à lâcher prise (pas facile, je sais…)
La peur de réussir… et de tout ce que ça implique
Et si finalement, ce qui vous pousse à toujours remettre à plus tard la bêta-lecture de votre manuscrit, c’est la peur qu’on vous dise : « c’est bon, tu es prêt.e pour la suite » ?
Déjà, quelle suite ? Et ensuite, comment s’y prendre ?
📌 Un petit aperçu de la "suite" avec ce premier article pour vous aider à calibrer votre projet.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut y remédier et dépasser toutes ces peurs qui nous pourrissent la vie d’artiste. Car finalement, à bien y réfléchir, refuser de faire lire son manuscrit par peur de …… (compléter avec la liste de votre choix), ça revient à anticiper la douleur ou la gêne qu’on pourrait ressentir en cas de critique et à se couper du positif qui en ressortira. La critique fait avancer, avec plus ou moins d’élan, certes, dès lors qu’elle est argumentée.
Quels sont les objectifs d’une bêta-lecture ? Que peut-on en attendre ?
🔔 Qui dit bêta-lecture dit… alpha-lecture. La différence entre une alpha-lecture et une bêta-lecture est que, lors d’une alpha-lecture, le lecteur lit le manuscrit au fur et à mesure de l’écriture. Il donne donc son avis en même temps que l’auteur avance sur son livre (c’est le cas sur certaines plateformes d’entraide d’auteurs, ainsi que sur des plateformes de type Wattpad). Tandis que lors d’une bêta-lecture, le lecteur lit le manuscrit complet avant de faire son retour de lecture argumenté à l’auteur.
Faut-il privilégier l’une ou l’autre ? De manière générale, je pencherais pour la bêta-lecture, qui me paraît indispensable, au même titre qu’une correction effectuée par une correctrice ou un correcteur professionnel.le (mais c’est un autre sujet !). L’alpha-lecture me semble aussi très intéressante, ma seule crainte serait qu’elle interfère un peu trop avec le processus créatif de l’auteur, puisque celui-ci serait amené à retravailler les chapitres au fur et à mesure de l’alpha-lecture, et potentiellement à modeler la suite en conséquence. Ceci dit, alpha-lecture et bêta-lecture peuvent être envisagées de manière complémentaire, tout dépend de la façon dont souhaite travailler l’auteur. 🔔
Comme je l’écrivais plus haut, la bêta-lecture permet à l’auteur de voir son texte à travers le regard neuf du lecteur, ce qui lui permet de prendre du recul sur son manuscrit.
Le bêta-lecteur s’attache à vérifier la cohérence au niveau de l’intrigue, des personnages, de l’univers. Il évalue le rythme du récit, la fluidité du texte, le style d’écriture, etc. En bref, tout ce qui constitue la forme et le fond du manuscrit. Et tout cela, en gardant un regard objectif sur le manuscrit.
Après sa lecture, il fournit une fiche de lecture détaillant les points forts et les points faibles du manuscrit. Pour être constructifs, ses retours de lecture doivent être argumentés (« j’aime » et « je n’aime pas » ne sont pas considérés comme des arguments valables !) et il apporte des pistes de travail concrètes à l’auteur.
Grâce aux retours de lecture fournis par les bêta-lecteurs, l’auteur pourra évaluer les qualités et les défauts de son manuscrit et le retravailler pour pouvoir proposer la meilleure version possible… lors de la prochaine bêta-lecture 🤗
La qualité du retour de lecture dépendra évidemment… du bêta-lecteur (CQFD 😏), même si, nous le verrons plus loin, la préparation de la bêta-lecture est très importante.
Comment trouver des bêta-lecteurs ?
Il existe plusieurs façons de trouver des bêta-lecteurs, tout dépendra de votre objectif et, ne nous le cachons pas, de votre budget (vous avez oublié une ligne dans le budget alloué à votre livre ? Il n'est pas trop tard pour y remédier 🧐)
Dans tous les cas, que vous fassiez appel à des bêta-lecteurs bénévoles ou professionnels, il est important de bien vous entourer. Et quand je dis « bien s’entourer », je ne pense ni à votre cousine Germaine ni à votre meilleure amie Adèle (ni à votre frère Jacques, vous avez compris l’idée… et la blague 😅).
C’est pourquoi, et vous vous en doutez, je déconseille fortement de faire appel à un membre de la famille ou à un.e ami.e pour effectuer une bêta-lecture. La personne ne sera pas objective, puisqu’elle est proche de vous, et vous pourriez être gêné.e qu’elle reconnaisse des personnes ou des lieux communs dans votre texte. Sans oublier qu’il est souvent plus difficile d’accepter une critique sur son travail venant d’une personne qu’on connaît que d’un illustre inconnu, car on le prend tout de suite personnellement (alors que vous n’êtes pas votre texte !) Vous n’avez pas envie de vous fâcher avec vos proches ? Eux non plus ❤
Le bêta-lecteur auteur
Comme je l’évoquais plus haut, il existe bon nombre de pages Facebook et de forums d’entraide réservés aux auteurs et pour lesquels une inscription gratuite suffit. Qui dit entraide, dit aussi investissement de votre part envers la communauté d’auteurs. Chausser des lunettes de bêta-lecteur peut s’avérer très intéressant pour comprendre toutes les nuances de la diplomatie et de l’empathie, et apprendre à gérer, par la suite, sa propre relation avec ses bêta-lecteurs.
Ma seule crainte concernant ce système d’entraide concerne l’emprunt inconscient, voire le plagiat assumé, d’idées dans les autres manuscrits, que ce soit dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs. J’imagine qu’un « pacte moral » noue les relations entre les auteurs de ces communautés, mais il n’empêche que retrouver son idée dans un autre texte que le sien ne fait jamais plaisir, et qu’a contrario, être « hanté » par le récit d’un autre auteur peut étouffer un peu sa propre créativité et, il faut bien se l’avouer, représenter une tentation.
Le bêta-lecteur issu du monde du livre
Il est également possible de faire appel de manière bénévole à des bêta-lecteurs issus du monde du livre, tels que les libraires, les bibliothécaires, etc. Si vous en avez dans votre réseau, vous pouvez toujours tenter de les solliciter. Leur regard sera plus aiguisé que celui d’un lecteur lambda car ils baignent littéralement dans les livres et ont, pour la plupart, fait des études en lien avec ce domaine.
Cependant, et c’est valable pour tous les autres bêta-lecteurs bénévoles, savoir et transmettre sont deux compétences très différentes.
Le bêta-lecteur issu du milieu éditorial
Le dernier bêta-lecteur auquel je pense, vous l’aurez compris, est le bêta-lecteur professionnel, c’est-à-dire qui travaille dans le monde du livre, et plus particulièrement dans le milieu éditorial. Son objectif est simple : accompagner l’auteur dans la finalisation de son livre pour qu’il en obtienne la meilleure version possible. Il me semble qu’il est plus à même de déceler les faiblesses d’un texte et d’apporter des pistes de travail concrètes à l’auteur qu’un bête-lecteur non professionnel. Un bêta-lecteur professionnel gardera plus facilement un regard objectif sur le manuscrit et saura faire preuve de tact pour amener l’auteur à la réécriture de certains passages de son texte. Et, comme je l’évoquais plus tôt, il est souvent plus facile d’accepter une critique argumentée de la part d’un tiers que d’une personne qu’on connaît, d’autant plus si sa compétence permet d’assoir sa légitimité. C’est bien entendu une bêta-lecture payante et donc un budget à prévoir.
Je suis tout à fait consciente que pour un auteur qui envisage de publier un livre en autoédition pour la première fois, il est difficile d’envisager un investissement financier conséquent (je vous renvoie à ma série d’articles pour calibrer son projet de publication en autoédition, et particulièrement à celui concernant les coûts). Et je pense pouvoir dire, sans me tirer une balle dans le pied, qu’il est tout à fait envisageable de commencer par une bêta-lecture gratuite pour avoir un premier aperçu des avis des lecteurs sur son manuscrit, pour ensuite vous tourner vers un bêta-lecteur professionnel, plus à même de vous apporter des pistes d’amélioration concrètes pour vous permettre de remanier votre texte en profondeur.
👉 À cet effet, je propose deux types de relectures, que vous pouvez retrouver ici (n’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions 😉).
Enfin, gardez à l’esprit que les bêta-lecteurs, amateurs ou professionnels, sont un public difficile par nature. Ils ont pour mission de donner leur avis sur un manuscrit dans le but de permettre à son auteur de l’améliorer. Mettre en avant uniquement les points positifs dudit manuscrit ne servirait à rien, sinon à flatter son auteur 😩
🔔 Combien faut-il faire de bêta-lectures par manuscrit ? Si je réponds « ni trop ni trop peu », ça ne vous avancera pas ! L’idée est d’avoir suffisamment de retours de lecture pour pouvoir les comparer entre eux et dégager des pistes de travail concrètes (notamment si vous faites appel à des bêta-lecteurs bénévoles), mais pas trop non plus pour ne pas vous noyer dans les commentaires de lecture (ni vous mettre à broyer du noir). Il me semble raisonnable d’envisager entre trois et cinq bêta-lectures, ce qui vous permettra de faire une synthèse intéressante et d’en retirer des pistes de réflexion. 🔔
Comment anticiper la bêta-lecture de son manuscrit ?
Pour que l’expérience soit enrichissante aussi bien pour l’auteur que le bêta-lecteur, il est indispensable de bien anticiper la bêta-lecture de son manuscrit.
Choisir ses bêta-lecteurs avec soin
Confier son manuscrit à une tierce personne, ce n’est pas un acte facile pour un auteur. Aussi, pour que l’expérience se passe bien, il est important de trouver des bêta-lecteurs de confiance qui apporteront une vraie plus-value à votre travail d’écriture.
Selon moi, bien choisir ses bêta-lecteurs, c’est privilégier :
👉 des lecteurs qui entrent dans votre public cible ;
👉 des lecteurs bienveillants, qui ont à cœur de vous aider à améliorer votre manuscrit ;
👉 des lecteurs honnêtes qui ne cherchent pas à vous faire plaisir (sans être blessants non plus).
Dès le départ, il faut être clair sur les critères de lecture, en structurant la fiche de lecture, et le délai de lecture, surtout s’il s’agit d’un bêta-lecteur non professionnel. Si vous travaillez avec un bêta-lecteur professionnel, voyez ce qu’il propose et n’hésitez pas, si vous en ressentez le besoin, à demander d’orienter la bêta-lecture sur un point en particulier. Seule une organisation rigoureuse vous permettra d’avoir des retours de lecture constructifs.
Enfin, pensez à vous accorder sur le délai de lecture et de rendu de la fiche de lecture, cela vous évitera de vous sentir au bord du malaise à chaque fois que vous ouvrez votre boîte mail !
Préparer son manuscrit
Envoyer son manuscrit en bêta-lecture ne vous dispense pas de relire votre texte avant, bien au contraire !
Il est important de supprimer le maximum de fautes d’orthographe, d’erreurs d’étourderie, de vérifier la conjugaison… Bref, tout ce qui est susceptible de polluer la lecture du bêta-lecteur. Son rôle n’est pas de corriger votre texte, sinon, on l’appellerait… bêta-correcteur, non ? 😅
De plus, pensez à faire une mise en page rapide de votre manuscrit, avec a minima des titres de chapitres et de parties qui se distinguent du corps du texte, des retours à la ligne réguliers et cohérents avec l’histoire, un interlignage agréable à l’œil, une police lisible* et d’une taille correcte (11 ou 12 pts selon la police utilisée) et des marges pas trop étroites. Un manuscrit structuré et aéré sera beaucoup plus agréable et facile à lire pour le bêta-lecteur qu’un texte mal fagoté qui a tout l’air d’un brouillon.
* Par pitié, évitez les polices trop fantaisistes ou de type manuscrites ! Ce qui doit être original, à ce stade, c’est votre texte, pas sa mise en page ! 💁♀️
Votre objectif est de faciliter la lecture du bêta-lecteur pour qu’il se focalise sur le texte lui-même, et non de le parasiter avec tout un tas de petites choses qui ne feront que le distraire… voire l’agacer ! Un manuscrit mal préparé, c’est un bêta-lecteur excédé et une lecture bâclée, alors… faites plus qu’y penser !
🔔 Que faire si j’envoie en bêta-lecture le second tome (ou plus) d’une saga ? Je vous conseille a minima de faire un résumé très détaillé des précédents tomes de la série. Ce résumé doit reprendre tout le déroulement de l’histoire, le contexte, les descriptions des personnages, les liens qu’ils ont entre eux… C’est-à-dire toutes les informations qui ne seront pas répétées dans le manuscrit envoyé en bêta-lecture et qui seront susceptibles de manquer au bêta-lecteur. Sans cela, il ne pourra pas vérifier la cohérence entre les tomes. Si le bêta-lecteur est d’accord et que vous n’êtes pas pressé.e, vous pouvez éventuellement lui proposer de lire les tomes précédents pour que sa lecture soit complète. 🔔
Se tenir prêt.e à encaisser la « critique »
Sélectionner ses bêta-lecteurs avec soin et préparer son manuscrit avec rigueur sont deux points essentiels, mais il faut également être prêt.e à recevoir les retours critiques des bêta-lecteurs sur son manuscrit. Et c’est parfois loin d’être aussi facile à dire qu’à faire.
Lorsqu’on travaille depuis plusieurs mois ou plusieurs années sur un projet, quel qu’il soit, on a tendance à le considérer comme une partie de soi, quelque chose qui nous appartient en propre. On en oublierait presque l’objectif initial du projet… Alors, rappelez-vous que la finalité d’un livre, c’est d’être lu.
Si la manière dont vous avez construit l’intrigue et les personnages vous appartient, la manière dont l’autre, le lecteur, recevra votre histoire ne vous appartient pas. Vous n’aurez aucune prise dessus, autant vous faire tout de suite à cette idée ! Alors, prenez du recul !
Pensez également à vous féliciter d’avoir franchi cette étape, c’est important pour rester motivé.e sur la durée.
Enfin, n’oubliez pas l’objectif de la bêta-lecture : apporter des améliorations à votre manuscrit. Le bêta-lecteur pointera forcément les faiblesses plus qu’il n’encensera les atouts de votre texte. Après tout, c’est ce que vous lui avez demandé de faire, non ?
📌 Une petite astuce pour garder la tête froide : entre la dernière retouche à votre manuscrit et son envoi en bêta-lecture, laissez passer quelques semaines et, pendant ce laps de temps, essayez de ne plus y penser, voire commencez un autre projet (littéraire ou non).
Cela vous permettra d’être moins angoissé.e lors de l’envoi du texte aux bêta-lecteurs et, en définitive, de prendre un peu de recul. Ces « vacances » seront l'occasion de vous aérer l’esprit et, lorsque votre manuscrit reviendra de bêta-lecture, vous le redécouvrirez avec plaisir.
Bien entendu, pendant la phase de bêta-lecture, il est interdit de relire et d’apporter la moindre modification à votre manuscrit, sinon le travail des bêta-lecteurs perdrait tout son intérêt !
Quelles sont les limites de la bêta-lecture ?
Une bêta-lecture bien préparée vous apportera forcément de nombreuses pistes pour retravailler votre manuscrit. Cependant, il faut garder en tête que malgré tous les outils mis en place par le bêta-lecteur pour conserver son objectivité, son avis aura toujours une part de subjectivité car il est… humain. En effet, chaque lecteur (bêta-lecteur ou non) a sa propre culture littéraire, ses propres références et ses propres expériences de vie, et il lira votre livre à travers le prisme de son expérience de lecteur, mais aussi son expérience personnelle.
Quelle suite donner aux avis des bêta-lecteurs ?
Une fois que vous aurez récolté tous les avis de vos bêta-lecteurs et, passée la première réaction à chaud, il est temps de vous remettre au travail. La montagne peut paraître immense, mais avec un peu d’organisation, vous parviendrez à décortiquer les retours de lecture et à les utiliser pour apporter des modifications utiles à votre manuscrit. Vous ne repartez pas de zéro, loin de là !
Je vous propose une petite méthode pour gérer les fiches de lecture et les nombreux conseils de vos bêta-lecteurs 👇
Collecter et hiérarchiser les informations
Pour analyser les critiques des bêta-lecteurs, il est important de les recouper pour repérer les grandes tendances et les éléments plus ponctuels. Des pistes de travail vont naturellement se dégager, qu’il sera nécessaire d’ordonner pour en tirer le meilleur parti.
Dans un premier temps, il me semble important de distinguer ce qui touche au cœur même du livre de ce qui semble concerner des éléments annexes, non essentiels (même s’ils ont leur importance, sinon vous ne les auriez pas mis 😎).
👉 Pour cette phase de collecte des données, je vous conseille vivement d’utiliser un tableau Excel et de classer ces pistes de réflexion en plusieurs grands axes (personnages, histoire, style d’écriture, etc.) que vous affinerez par la suite. À ce stade, gardez toutes les pistes de travail proposées par les bêta-lecteurs, même celles qui vous paraissent à première vue un peu incongrues.
Noter les récurrences et les divergences d’opinions
Si certaines remarques et pistes de travail semblent faire l’unanimité parmi vos lecteurs, c’est qu’il y a sûrement une raison à cela. Cette « analyse quantitative », si elle n’est pas super fun à faire, vous permettra au moins de mettre en lumière les gros points noirs du texte.
À l’inverse, noter les divergences d’opinions vous permettra d’apporter de la nuance aux remarques des uns et des autres.
👉 Dans cette phase, pensez à ajouter une colonne dans laquelle vous écrirez vos propres avis en réponse aux remarques des lecteurs. Bien entendu, comme vos bêta-lecteurs, ne vous contentez pas de simplement mettre « d’accord » ou « pas d’accord », argumentez, et ce même si la seule personne à convaincre, c’est vous !
Trier le bon grain de l’ivraie et faire un sort aux petits pois planqués sous le matelas
Que faire des critiques émises par un seul bêta-lecteur ? Que vous trouviez la remarque de votre lecteur totalement à côté de la plaque, malgré ses explications rationnelles, ou que le degré de chipotage de cet autre lecteur dépasse votre entendement, il va quand même falloir vous demander (et pourquoi pas, leur demander) en quoi ces éléments sont utiles ou non à votre récit. Les modifier apportera-t-il quelque chose en plus à l’histoire ? Ne pas le faire occasionnera-t-il un trou noir dans votre texte ?
Il est vrai que le diable est dans les détails et qu’un petit élément insignifiant peut créer une incohérence gênante. Mais lorsqu’un bêta-lecteur est le seul à accrocher sur un point précis, ce sera à vous de juger si cela mérite d’être pris en compte ou non.
👉 Dans cette phase, reprenez chaque idée « mineure » et notez des arguments « pour » et « contre » et les conséquences de chaque choix sur le texte.
Organiser son travail de réécriture
Une fois tout ce travail préparatoire effectué, reprenez chaque idée validée et développez-la. Pensez à :
👉 conserver une version antérieure de votre texte, avant modification ;
👉 balayer l’intégralité du manuscrit pour repérer toutes les occurrences à modifier (notamment pour les descriptions des personnages) ;
👉 garder en tête la cohérence globale du texte, surtout si les modifications concernent des éléments essentiels.
Tout au long de votre travail d’analyse et de réécriture, demandez-vous ce que les modifications apportent à votre texte et si elles sont en adéquation avec votre idée de départ.
Remettre son manuscrit en lecture
Si après avoir mis votre manuscrit en lecture une première fois et apporté les modifications conseillées par vos bêta-lecteurs à votre texte, vous ressentez le besoin de le confier à nouveau en bêta-lecture, vous avez plusieurs possibilités :
👉 le faire lire à nouveau aux mêmes bêta-lecteurs ;
👉 le faire lire à un nouveau panel de bêta-lecteurs.
Remettre en lecture son manuscrit auprès des mêmes bêta-lecteurs ne permettra pas, comme vous vous en doutez, de retrouver cet effet « première impression » propre à la découverte d’un texte. Cependant, cette seconde lecture sera l’occasion de faire un suivi des modifications apportées au manuscrit, ce qui peut s’avérer très utile.
À l’inverse, si vous souhaitez proposer votre manuscrit en lecture à de nouveaux bêta-lecteurs, il bénéficiera bien évidemment de cette aura de découverte. Le pendant négatif est que d’autres pistes seront susceptibles d’émerger, parfois peut-être en contradiction avec celles de la première bêta-lecture, et vous pourriez avoir l’impression de tourner en rond.
Je pense que remettre son manuscrit en lecture auprès de nouveaux bêta-lecteurs serait utile :
👉 si des changements très importants sont intervenus et que le manuscrit de départ s’en trouve profondément transformé ;
👉 si les retours des premiers bêta-lecteurs n’ont pas été concluants.
🔔 Faut-il multiplier les bêta-lectures pour obtenir un manuscrit parfait ?
Comme vous vous en doutez après m’avoir lue, remettre une énième fois son manuscrit en lecture pour atteindre la perfection me paraît chimérique. Vous risquez de vous essouffler en cours de route, de vous dégoûter de votre manuscrit (voire de l’écriture) et de le remiser au fin fond d’un tiroir.
Vous allez devoir faire la part des choses entre les avis des uns et des autres et votre ressenti. Et trancher. Demandez-vous en quoi les avis se recoupent et en quoi ils divergent, si les points cités sont importants ou mineurs dans le déroulement du récit. 🔔
Que faire si la bêta-lecture s’est mal passée ?
Vous avez donné votre manuscrit en lecture, mais lorsque vous avez reçu les fiches de vos bêta-lecteurs, vous avez été confronté.e à une ou plusieurs problématiques :
👉 des retours de lecture non exploitables
C’est probablement l’organisation de la bêta-lecture qui est à revoir : vos attentes concernant cette bêta-lecture étaient-elles claires ? et ont-elles été correctement expliquées à vos bêta-lecteurs ? des critères de lecture ont-ils été donnés à vos bêta-lecteurs ? comment avez-vous organisé votre analyse des fiches de lecture ?
Vous pouvez rattraper cet écueil en proposant a posteriori à vos bêta-lecteurs de remplir une fiche de lecture structurée.
👉 pas assez de retours de lecture pour dégager des pistes de travail
Il vous suffit de proposer votre manuscrit en lecture à d’autres bêta-lecteurs, en gardant à l’esprit leur correspondance avec votre audience cible. Bien entendu, il faudra se remettre en quête de bêta-lecteurs, ce qui peut s’avérer assez chronophage…
👉 des retours de lecture en désaccord profond avec votre vision en tant qu’auteur : se remettre en question vs se remettre au travail
Vous avez bien entendu le droit de ne pas être d’accord avec toutes les remarques de vos bêta-lecteurs. Cependant, il est nécessaire, pour que la bêta-lecture ait du sens, que vous arriviez à démêler réactions sensées et réactions épidermiques. En un mot, que vous fassiez appel à votre objectivité.
Ne retravaillez pas votre manuscrit pour « faire plaisir », surtout si les modifications proposées ne vous parlent pas et ne paraissent pas respecter vos intentions de départ. Respectez votre travail… respectez-vous. Votre manuscrit n’aura plus d’intérêt à vos yeux si vous avez la sensation qu’il ne vous appartient plus.
Cependant, il est important de cerner le problème : pour quelles raisons les avis des lecteurs vous contrarient-ils autant ? leurs avis s’accordent-ils entre eux ? ces bêta-lecteurs représentaient-ils vraiment votre lectorat cible ?, etc. Pour plus de clarté, je vous conseille de mettre toutes les questions et les réponses par écrit.
Après avoir pris le temps de décortiquer tout ça, vous aurez certainement dégagé des pistes de réflexion et vous serez plus à même de décider si vous suivez tout ou partie des conseils de vos lecteurs ou si vous choisissez de remettre en lecture votre manuscrit auprès de nouveaux bêta-lecteurs soigneusement sélectionnés.
Conclusion
Que vous souhaitiez envoyer votre manuscrit à un éditeur ou vous lancer dans l’autoédition, la bêta-lecture est, à mon sens, un passage obligé, une étape inhérente à l’existence d’un livre ! Par contre, c’est à vous d’en définir les contours et de l’organiser pour que les retours de lecture soient pertinents, car si la qualité d’une bêta-lecture dépend en grande partie des lecteurs, il appartient à l’auteur de se saisir ou non de leurs critiques argumentées pour retravailler son manuscrit.
Et n’oubliez pas que c’est un très bon premier pas pour vous confronter à la réalité et ancrer votre projet de publication dans la matière. Sans oublier, et c’est très important, que ces rencontres vous sortiront de la solitude que connaissent tous les écrivains qui, si elle est source de création, peut également créer un sentiment d’isolement assez tenace.
La route est encore longue, probablement parsemée de creux et de bosses, mais elle n’en est que plus belle. Ne vous découragez pas, ce serait dommage pour vous… et vos lecteurs 😉
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